ANAMNÈSE #11 --
GÉORGIE
Récit inspiré de faits réels et de cénosillicaphobie |
TEMPS DE DÉGUSTATION : comptez 7 minutes
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Mardi
26 décembre
-
Non mais, t’es
pas sérieux, Papa ! Une demi-heure de métro, une heure et demie
d’autocar,
et nous voici maintenant dans l’aérogare la plus pourrie d’Europe,
bloqués dans
une queue digne d’un camp de réfugiés palestiniens !
-
Je t’assure,
mon fils, certes
nous attendons, mais j’attends beaucoup de ce voyage ; un jour, tu
me
remercieras !
Il est vrai qu’une file d’attente pareille, je n’ai tout simplement jamais vu ça, sauf peut-être dans les heures les plus sombres de l’URSS, du Congo ou du Nicaragua, où tout espoir d’embarquer sur un train, un avion, un bateau relevait de la gageure.
Longue attente,
mais grande expectation
Bref, nous faisons le pied de grue pendant deux heures et demie avant d’espérer accéder à l’Airbus de Wizzair.
Derrière nous, une jeune fille coiffée d’une
casquette gavroche consent à partager notre désespoir. Maryam est venu
passer trois
jours en France pour saluer quelques copains de son ancienne université
grenobloise.
Elle est géorgienne mais parle un français châtié. Elle nous raconte ses deux masters qui la conduisent aujourd’hui à occuper… un simple poste de SAV par téléphone, payé au lance-pierres.
Au bout d’un moment, je lui apporte un café
encartonné. Elle prend cela pour de la galanterie alors qu’en réalité,
je cherchais
un prétexte pour faire quelques pas, afin d’éviter une paralysie
générale,
synonyme d’embarquement en chaise roulante.
-
Papa, j’en ai
marre de cette
galère. Ne pouvons-nous pas rentrer à Paris tout simplement* ? Mes
copains
m’y attendent !
-
Attention,
jeune homme, en
géorgien, pour s’adresser à son père on dit : « Mama »,
et non
pas « Papa », indique notre compagne d’infortune.
-
Si vous voulez,
répond mon fils.
Alors : Mama, rentrons à Maris !
- Mais non, mon cher fils ! Je tiens à ce tu découvres une civilisation improbable dans un pays de cocagne : Astérix au pays du Caucase ! Par ailleurs, je t’avais parlé de mon meilleur ami Merab Mamardatchvili, mort mystérieusement à l’aéroport de Vnukovo à Moscou, alors qu’il n’avait que 59 ans et était en pleine forme. Je voudrais faire un pèlerinage auprès de la statue qui lui est dédiée à Tbilissi :
Hommage au
grand homme
Heureusement, l’avion accuse un certain retard, ce qui compense le retard que nous avons pris au sol.
Une hôtesse explique que l’aéronef a rencontré un fort vent contraire
qui lui a
fait perdre une demi-heure, portant le temps de vol de 4 heures et
demie à
5 heures.
-
C’est pareil,
Mama, il
rattrapera le retard au retour, pontifie le garçon.
-
Pas du tout,
puisqu’il volera plus
longtemps à vitesse lente qu’à vitesse rapide. Autrement dit, in fine, le vol aller-retour sera plus long !
Embarquement au pas de course, la compagnie low-cost étant donc la victime d’un retard imposé par un aéroport non moins low-cost.
À mi-parcours, nous subissons de violentes turbulences. Le commandant ne précise pas s’il s’agit d’un nuage cumulo-nimbus ou du souffle de missiles lancés de Crimée ou d’Ukraine que nous sommes en train de survoler…
Mercredi
27 décembre
C’est à 02:30 du matin que nous atterrissons à Kutaisi. Aéroport flambant neuf -- niché au cœur des gigantesques montagnes du Caucase – parsemé d’une flopée de drapeaux… européens !
Autant de
drapeaux européens que d’oriflammes géorgiennes
C’est que l’UE vient de décider le 18 décembre
2023 d’ouvrir les négociations d’adhésion de la Géorgie, au même titre que
l’Ukraine.
Même si la Géorgie, en Asie centrale, est plus proche de Bombay que de
Paris.… Mais
depuis toujours, Merab ne cessait de me
le répéter :
« Jean-Pierre, chez nous, les réalités, elles sont factoïdes ».
Déjà, le 7 août 2007, c’est en arborant le
drapeau européen que la Géorgie avait attaqué la Russie. In petto,
Poutine avait dû se dire « Ça me chatouille, ou ça me
gratouille ? ».
Trois millions et demi d’allumés déclaraient la guerre à 200
millions de voisins, pas spécialement tendres ! Mikheil Saakachvili, président pantin mis en place par George Bush (les
fameuses révolutions de couleurs) -- et conseillé par un certain Raphaël Glucksmann -- se
réclamait ainsi de l’Europe pour lancer sa mission-suicide, sans même
ingurgiter de potion magique ! Le président Sarkozy, mieux inspiré
(ou
mieux conseillé) qu’en Libye, était parvenu à calmer Poutine, dont les
troupes se
trouvaient déjà à 30 km de Tbilissi. Résultat de cette initiative
aventureuse : la Russie a récupéré 20% des terres fertiles
géorgiennes.
Aujourd’hui,
c’est plus calme, car la
présidente de la Géorgie n’est autre que Salomé Zourabichvili ,’une
diplomate…
FRANÇAISE, détachée par le quai d’Orsay ! (Mikheil Saakachvili
croupissant actuellement en prison).
Quand
je vous disais que la Géorgie était
vraiment un cas spécial !
Déjà, en 1858, Alexandre Dumas, dans son ouvrage « Le Caucase, impressions de voyage », soulignait le caractère improbable des Géorgiens, remarquant par ailleurs leur gastronomie sublime.
Dès 1858,
Alexandre Dumas tombait sous le charme de Tbilissi
-
Dis, Mama,
c’est quoi, ce
vermicelle ?
-
C’est
l’alphabet géorgien, qui
fait partie de la trentaine d’écritures qui transcrivent les quelque
3000 ou
6000 langues du monde. Les gens préfèrent parler qu’écrire.
მამარდაშვილის კულტურულ კვლევებში ამოსავალი წერტილი იყო კითხვის ფორმულირება, თუ რას ნიშნავს ადამიანის ამაღლება საკუთარ თავზე. მამარდაშვილი მიიჩნევდა, რომ სწორედ ეს იყო ევროპული და რუსული კულტურის მიზანი, რომელსაც ორი ისტორიული წარმოშობა აქვს. თუ მაგალითისთვის სიძველემ დატოვა მემკვიდრეობა ევროპული კულტურისათვის გონიერების ყოვლისშემძლეობის რწმენა, მაშინ ქრისტიანობამ შემოიღო ადამიანის მორალური აღმავლობის იდეა დასავლურ ცნობიერებაში.
Fort heureusement, le loueur de voitures nous attend,
malgré l’heure tardive.
-
Comme la nuit
est trop noire,
on ne peut pas distinguer d’éventuelles rayures sur la carrosserie.
Prenez une
vidéo demain matin pour le contrôle au retour.
-
Entendu.
Le GPS (ou Galileo) nous conduit vers l’hôtel que
nous avons réservé. Fermeture à 23:00 !
Merci bien, donc
dodo dehors…
Tout n’est pas perdu : un hôtel brillamment
illuminé nous accueille à proximité. Lobby très élégant, avec ses
piliers de
cristaux de roche multicolores rétroéclairés. En quelques minutes, nous
récupérons une clé et nous rendons vers les ascenseurs.
Au passage, vision céleste : le bar. Et,
comme dans tous les grands hôtels de Géorgie, le bar est ouvert 24/7.
D’un simple échange de regard, notre décision est
prise.
-
Mon fils,
allons déposer
nos affaires dans la chambre avant de le tester.
-
Pas du tout,
Mama, on commence
par le bar, car on ne sait jamais !
Il est 03 :45, c’est pas
le moment de discuter. Le barman, à moitié endormi, prend notre
commande.
-
Deux
cognacs !
- Du français ou du géorgien ?
Bienvenue en
Géorgie !
Le cognac géorgien était le digestif préféré de Churchill. Staline lui en expédiait d’ailleurs régulièrement des caisses entières. Le breuvage est très différent de son homonyme français : il est beaucoup plus suave et plus fruité. Il est presque gouleyant, surtout lorsqu’il est jeune. Donc, avec le cognac géorgien, la modération n’est pas de mise, surtout pas ce soir.
Douce découverte pour le boy, douce réminiscence pour moi.
L’arrivée à Tbilissi est interminable, car la circulation y est gigantesque. Mais bientôt, nous atteignons les contreforts de la vieille ville, là où j’ai sélectionné un hôtel avec parking. On aperçoit l’immense statue qui domine la ville :
Je tends le
calice à mes amis, mais, pour mes ennemis, je les attends de pied ferme…
Le GPS/Galileo fonctionne à bloc, car l’écheveau des
ruelles pentues constitue un labyrinthe plutôt décourageant pour le
touriste
ingénu. Mais au final : « Votre
destination est à 100 mètres à votre droite ». Oui mais,
quelques
pierres amoncelées au milieu de la chaussée indiquent un autre
message :
« Demi-tour ». Ah, finalement, après de multiples
épingles à
cheveux, le voici, l’Astoria ! Mais où diable se trouve le
parking ?
-
Mon garçon, va
demander à
l’intérieur
-
Oui, Mama, j’y
cours.
Zut, ce n’est pas le bon Astoria. Il y en a trois
dans la rue. C’est en aval que nous découvrons deux barrières,
malheureusement
abaissées.
-
Mon garçon, va demander à
l’intérieur
-
Oui, Mama, j’y
cours.
Après dix longues minutes, les barrières se
lèvent et je puis garer la voiture une fois pour toutes. Pas question
de
risquer d’autres gymkhanas pendant notre séjour.
Bel hôtel à peine terminé. Nous sommes apparemment ses seuls résidents.
Passons maintenant aux choses sérieuses :
les restaurants. Nous dégringolons une chaussée à moitié défoncée,
entourée de
vieilles bâtisses soviétiques. La vieille ville reste clairement dans
son jus.
Un premier grill nous tend les bras. Petit cognac pour ouvrir l’appétit (il est vrai qu’à 15:00, l’appétit est déjà féroce). Grillades, salades fraîches, petits plats typiques, vin du terroir (le terroir géorgien est le plus ancien du monde – environ 6000 ans avant notre ère -- le mot « vin » étant issu du géorgien « gvino »). Ma foi, il n’avait pas tort, Alexandre Dumas : tout cela est délicieux et sympathique (et, accessoirement, bon marché).
Le raidillon pour rejoindre l’hôtel permet de dépenser une bonne partie des calories emmagasinées. Mais à mi-chemin, une pause s’impose : une chapelle dont la beauté intérieure incite à la conversion :
Un oratoire
enluminé
Petite sieste, histoire de nous mettre en forme
pour le dîner.
-
Nous sommes
évidemment
fatigués ; donc relax ce soir pour une visite de Tbilissi demain.
-
D’accord,
Mama !
-
Rappelle-toi
que je suis venu
ici avec mon camping-car en 1972. Pendant deux ans, en effet, les
Soviets avaient
permis aux étrangers de venir en voiture, à condition de prendre un
visa
spécial à Washington, et de choisir un itinéraire fixé à l’avance, sans
modification possible. J’ai donc passé deux mois sur les routes
soviétiques,
totalement sûres car totalement surveillées ! Arrivé à Tbilissi,
j’y ai
immédiatement rencontré le seul couple français y habitant : les Djakeli. Ils s’étaient fait piéger par Staline,
qui avait
promis en juin 1946 monts et merveilles aux exilés qui réintégreraient
leur mère-patrie.
Lui architecte, elle pianiste concertiste -- alors qu’ils étaient
bien
installés à Paris -- avaient sauté le grand pas, car un Géorgien
ne
s’exile pas (au contraire de son voisin l’Arménien). Las ! Amère
déception : ils furent reçus comme des moins que rien, la méfiance
en
plus. Pour me raconter leur sombre histoire, ils m’avaient convié à
déjeuner au
restaurant dominant la ville, via le téléphérique, fierté de la ville.
Puisque
nous étions quatre, le serveur avait immédiatement garni la table de
quatre
bouteilles de Tsinandali, petit vin blanc
local qui
se buvait comme du petit lait. Une fois les quatre bouteilles
terminées, le
serveur avait apporté un nouveau lot de quatre bouteilles, puis un
autre lot
offert par des voisins ébahis de voir un authentique Français. Lorsque
nous
avons quitté la table, les bouteilles restantes ont servi de... pourboire.
Donc
demain, si tu en es d’accord, nous irons en pèlerinage à ce restaurant
d’altitude !
- Ça me va, Mama !
En 2024, ce
tableau de Saint-Georges offert par les Djakeli
en
1972 orne encore mon living
En attendant, dîner dans un restaurant
traditionnel après une descente acrobatique en évitant les trous, les
enfoncements, les cratères, les anfractuosités, les crevasses que l’on
ne peut
franchir sans être sobres.
Délicieux plats locaux : khachapuri, mtsvadi, churhkhela pour ne nommer que ceux-là. Le tout arrosé d’un vin ambré étonnant, proche d’un pineau des Charentes mais sec.
Ambré et
chambré
C’est que, depuis l’indépendance en 1991, les
industries mondiales ont fondu sur la Géorgie en y voyant un nouvel
acteur
susceptible de créer de nouveaux marchés. C’est ainsi que Pernod-Ricard
avait
lourdement investi, forçant les vignerons traditionnels à sophistiquer
leurs
productions. La Géorgie produit ainsi une myriade de vins surélaborés,
qui dénaturent ce terroir et en enlèvent la candeur originelle (celle
que j’ai
connue). L’exportation n’a pu dépasser le marché russe qui s’est fermé
par
sanction économique en 2008. Résultat : Pernod-Ricard vend tous
ses actifs
en Géorgie, et les restaurants proposent ces vins trop transformés.
Bref, je
recherche quelque chose qui n’existe pratiquement plus.
Après avoir grimpé le raidillon, nous retrouvons notre hôtel dont nous snobons le bar, pourtant bien accueillant.
Jeudi
28 décembre
Certes le ciel est magnifiquement dégagé, mais un vent glacial atténue cette vision paradisiaque. Mieux vaut prendre le bus touristique pour découvrir les trésors de la capitale. Mais les coupe-vent en plastique de l’étage supérieur du bus valdinguent au gré des rafales. Nous parvenons quand même à distinguer les « Champs Elysées », avenue absolument magnifique :
La plus belle avenue du monde : l'avenue Aghmashenebeli
Puis ce sont ces spectaculaires maisons perchées sur les falaises de la Koura, le fleuve qui traverse Tbilissi :
On est bien loin de l’île
Saint-Louis !
Mais
la visite ne nous épargne pas les
verrues genre tour Montparnasse qui polluent ce lieu enchanté.
-
Nous allons
déjeuner là-haut, mais le
téléphérique est évidemment bloqué du fait de ces rafales violentes. Et
c’est
le seul moyen d’y monter. Donc prenons un taxi.
Une
route en lacets conduit vers le
sommet, coiffé d’un parc genre Astérix. Il faut parcourir un bon
kilomètre, et
subir des bourrasques glaciales avant d’atteindre l’établissement où
mon
histoire d’amour avec la Géorgie a commencé. Le retour m’inquiète, car
je ne me
sens pas d’attaque pour refaire ce parcours glacial, en plus sans être
sûr de
trouver un taxi.
Évidemment,
dans l’établissement, ce
n’est plus l’atmosphère que j’ai connue. C’est maintenant un grand
restaurant
classique, certes avec une belle vue et un bon service, mais plus rien
d’exotique. Déjà, au lieu des deux bouteilles espérées, on nous propose
un vin…
au verre. Et pourquoi pas du Coca ! Mais du très bon cognac et de très bons plats.
-
Tu dois
absolument découvrir la musique et les
danses géorgiennes. Appelle Maryam pour lui demander conseil.
-
C’est bon,
Mama ; elle me répond et elle
propose un restaurant cabaret.
-
Très bien,
invite-la à 20 h. La seule chose
qui te manquera, ce sont les marionnettes géorgiennes, un art inégalé
qui
d’ailleurs ne s’adresse pas aux enfants.
Nous
demandons au serveur s’il a une
solution pour que nous regagnions l’hôtel.
-
Descendez d’un
étage, vous avez le funiculaire
qui vous déposera à 100 mètres de chez vous !
Comment
vouliez-vous que je connusse
ce nouveau funiculaire ?
-
Va te relaxer à
la piscine pendant que je vais
voir la statue de Merab.
-
Entendu, Mama.
Le taxi m’amène directement au centre, et tournoie deux ou trois fois autour d’un chantier. Le chauffeur descend se renseigner : la statue a été démontée et stockée en attendant sa relocalisation car on construit un immeuble à sa place… Le chantier est interdit au public, et j’ai juste le temps de prendre discrètement un cliché :
Au rencart, la statue
Je me
sens tout penaud, un peu comme
l’expédition du « Partage des Eaux », le chef-d’œuvre
d’Alejo Carpentier, qui comprend trop tard
en Amazonie que
rien n’est plus mouvant que le passé.
Or
l’ami Merab
reste la rencontre la plus importante de ma vie tourmentée. Patron de
l’institut
de philosophie de Moscou, il a été rédacteur-en-chef de la revue
scientifique
« Vopros Philosophie ».
Ses
rencontres, en particulier lorsqu’il était en poste à Prague, avec
Jean-Paul
Sartre, Antonin Lim, Henri Cartier-Bresson, Jacques Belfroy,
Allen Manvi, Miloš Forman ont fortement
marqué ses
interlocuteurs. Il occupait un grade très élevé dans la hiérarchie
intellectuelle soviétique. Esprit éminemment indépendant, il a
forcément
dérangé en haut lieu. « Ils ne m’ont pas viré de l’Institut
de
Moscou, ils ont simplement cessé de me payer en 1980 » me
disait-il en rigolant.
Il
dirigeait l’Académie géorgienne des
sciences depuis 1981. Son enseignement à Tbilissi était plutôt folklo,
car les Soviétiques
avaient imposé un complément de morale politique en conclusion de
chacun de ses
cours. Et, pour s’assurer que les étudiants ne le sécheraient pas, les
issues
de l’amphithéâtre étaient fermées à clé jusqu’à la fin de
l’endoctrinement !
Mais
l’insolence de Merab était d’autant plus
mal perçue qu’il s’agissait cette
fois-là de la perspective de l’indépendance de la Géorgie. C’est
probablement
cela qui lui a coûté la vie. Poutine n’a rien inventé en matière de
mise à
l‘écart des effrontés.
Nous nous voyions tous les ans, car d’une part, je me produisais systématiquement dans la salle de concert ultramoderne dont était dotée Tbilissi :
Une acoustique flatteuse
pour la guitare
Et là, il me recevait dans l’appartement qu’il partageait avec sa sœur. Mais d’autre part, il habitait chez moi rue Saint-Séverin lorsqu’il venait donner ses conférences à l’École des hautes études en sciences sociales à Paris (EHESS).
Au cours d’une petite balade dans le centre-ville. Je tombe sur cet immeuble :
Une muleta agitée devant
le taureau russe
Lorsque
l’on sait que c’est l’OTAN qui
constitue la ligne rouge à ne pas franchir, cet immeuble à tout pour
déclencher
l’ire du grand voisin, occupé avec l’Ukraine en ce moment pour
exactement la
même raison.
De surcroît, nombre de tags constellent les murs de Tbilissi :
Messages pas vraiment
amicaux
Autrement dit, la claque reçue en 2007 n’a pas servi de leçon, et les élections présidentielles de 2024 reflètent le dilemne : un président pro-russe, et c'est la révolte, ou un président pro-EU, et c'est la "libération"…
Le restaurant est très sympa, et, d’emblée, on sait qu’on ne se trouve pas en Arabie Saoudite :
Les dives bouteilles
Nous sommes peu nombreux, et donc particulièrement choyés.
La potion magique
Maryam
nous décrit son parcours
universitaire assez prodigieux : master en anglais et master en
psychologie enfantine (avec comme mémoire : « La difficulté
d’être un
ado selon une étude sur un skate park »).
Elle
vise maintenant un doctorat sans doute dans l’espoir de décrocher un
emploi de
baby-sitter…
Méfiant
envers les vins sophistiqués,
nous commandons différents crus au verre, afin de faire notre choix
pour
commander la première bouteille. Aucun ne convient. J’interpelle le
sommelier :
-
Ce que je
recherche, c’est un Tsinandali blanc,
d’une turbidité presque transparente, un
vin issu directement du cep !
Alors
là, il a compris. Et enfin, nous
pouvons profiter de la soirée.
Sur la scène, les merveilleux chants polyphoniques géorgiens (curieusement proches des chants corses) soulignent des danseurs en quasi-lévitation, le but étant d’effrayer les ennemis :
Tremblez !
Vendredi
29 décembre
Départ de bon matin pour la capitale de l’Adjarie, Batumi, la station balnéaire sise au bord de la mer Noire, à la frontière turque. J’aurais préféré Sukhumi, capitale luxuriante de l’Abkhazie musulmane, mais elle est sous domination russe depuis la fameuse guerre de 2007. Apparemment, les Russes laissent passer les touristes français, mais conservons cette opportunité pour une autre fois…
Tbilissi-Batumi
Par
chance, le temps est magnifique.
Plusieurs sections d’autoroute permettent de progresser rapidement. Le
spectacle est grandiose : à ma gauche une chaîne de pics
recouverts de
glace, renvoyant une lumière bleue aveuglante (magnifique, mais peu
propice à
la conduite) ; à ma droite une chaîne de pics enneigés
gigantesques et
majestueux (qui culminent à 5700 mètres). Au centre de l’autoroute : un terre-plein assez élevé
sur
lequel paissent vaches et chevaux participant à la politique écologique
du
pays. Il nous faut 5 heures pour parcourir ces 370 km.
-
Peux-tu mettre
la radio, s’il te plaît ?
-
Bien sûr,
Mama !
C’est en français que s’ouvre la première station trouvée par l’autoradio : Radio France Internationale (RFI). Les déclinistes ignorent la soft power de la France. La radio, bien sûr, mais aussi la télévision (TV5, France 24) et surtout les établissements d’enseignement français qui forment la moitié des élites du monde. Ici, l’École française du Caucase offre à Tbilissi un cursus de la maternelle au bac. Mais aussi la presse (Marie-Claire, Elle…, publiées dans des dizaines de langues). Sans oublier notre cinéma, le troisième au monde après Hollywood et l’Inde. Bref, tout n’est pas perdu.
Avec
mon camping-car, j’avais connu
Batumi comme petite station provinciale, bien calme et bien verte.
Je suis sidéré par le spectacle qui nous attend à l’arrivée :
Qu’il était beau, mon
village
L’hôtel que nous avons réservé, le Valmont, est un super palace inspiré de Las Vegas, mais avec goût.
Las Vegas sur/mer
Notre chambre immense est tout simplement paradisiaque !
De notre fenêtre, des
dizaines de kilomètres
de sommets enneigés (jusqu'à 5700 mètres)
Ce
n’est pas le moment rester
pantelants, car le restaurant nous attend. Comme partout, les produits
sont
frais (y compris les produits de la pêche du jour). Table somptueuse,
service
amical et efficace, excellent cognac, et bon vin presque transparent.
-
La journée a
été longue ; je propose de
passer l’après-midi à la piscine. J’en profiterai pour me faire faire
un
massage qui devrait me défatiguer. Comme cela, nous serons fins prêts
pour le
dîner.
Effectivement,
quelques heures plus
tard, notre appétit est au rendez-vous, même si nous avons quitté la
même table
peu de temps auparavant. Cognac, vin blanc, plats délicieux à base de
noix et
de haricots.
Nous
décidons de rendre visite au
casino intégré à l’hôtel, histoire de dire
que ne
fréquentons pas exclusivement le restaurant. Un monde fou s’agite
autour des
tables de roulette, de blackjack, baccara, poker et de multiples
machines à
sous. Les croupières canalisent froidement les jetons. Impressionnant,
certes,
mais c’est pas notre truc ; c'est plutôt celui des Turcs, venus en touristes.
-
Ce massage m’a
tué. Je suis mort de fatigue,
je tiens à peine debout ; je rentre. Toi, reste si tu le désires.
Je monte dans la chambre, prêt à m’écrouler.
-
MAMA !
MAIS QU’EST-CE QUE TU
FAIS ???
Mais pourquoi donc me réveille-t-il, le gredin ? Ah oui, pas mal : je me suis assoupi sur les toilettes…
Samedi
20 décembre
Difficile
de croire qu’aujourd’hui,
nous allons passer de la chaîne du Caucase aux mamelons du Beauvaisis.
Le
voiturier nous apporte la voiture.
Y’a plus qu’à.
Le
temps est toujours magnifique, les
vaches paissent tranquillement sur les terre-pleins.
-
Mama, tu vas
trop vite ! La vitesse est
limitée à 110 et tu roules à 130 !
-
Mon job, c’est
la sécurité. La limitation,
c’est administratif, donc accessoire.
Néanmoins,
il continue à me
houspiller. Puis tout à coup, dans une grande agitation, il lance de
grands moulinets avec ses
bras. Je
suis obligé d’agripper le volant pour ne pas atterrir dans le fossé. Il
trépigne sur son siège, ouvre les vitres en grand, laissant passer une
traînée
d’air glacial sur mon visage – alors que je suis déjà ébloui par le
reflet su
soleil sur les pics.
-
C'est quoi, cette panique ?
- Une mouche !!!
Une queue digne de Beauvais nous attend dans le hall surmonté de drapeaux bleus étoilés. Un précontrôle de police entraîne un retard supplémentaire : il s’agit de délégués de la gendarmerie française, qui s’assurent que les passagers disposent bien d’une réservation d’hôtel et de moyens de subsistance. En effet, la France avait menacé de fermer la ligne si elle continuait d’importer des bandits de grand chemin (le gang des Géorgiens) ou des touristes médicaux, venus profiter de la généreuse AME (aide médicale d’état), celle qui fait tant grincer des dents à droite.
Quatre
heures et demie d’avion, une
heure et demie d’autocar, une demi-heure de métro avec changement et
nous voilà
rendus !
-
Alors, fiston ?
- Ça va, c’était pas mal, Papa !
14 mai 2024:
L'Europe nous protégera, c'est sûr !
Émeutes
à Tbilissi contre le projet de contrôle des financements des ONG. Le
pouvoir en place veut éviter un "Maïdan" (révolution "de couleur"
financée par l'étranger).
14 décembre 2024:
Le résultat des élections prédidentielles (un pro-Russe élu) provoquent de nouvelles émeutes.
Mais tous ces jeunes ont été persuadés par
des Bruxellois irresponsables que l'Europe et l'OTAN les protégeraient.
Ils ont pourtant l'exemple du désastre ukrainien, nom d'un chien !
Oui mais, que voulez-vous, les Géorgiens restent
d'incorrigibles romantiques...
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