ANAMNÈSE #14 – ROUMANIE

Récit inspiré de faits réels et de cénosillicaphobie

TEMPS DE DÉGUSTATION : comptez 10 minutes

Jean-Pierre_Jumez


Jean-Pierre_Jumez
Jean-Pierre_Jumez

Janvier 1970

Poursuivant mon exploration musicale de l’Afrique, me voici en train de traverser le fleuve Oubangui à dos de pirogues, atteignant la forêt vierge de l’Ituri au Zaïre (aujourd’hui République Démocratique du Congo).

oubangui

Deux pirogues amarrées par des lianes pour traverser le fleuve Oubangui

Sur l’autre rive, un énorme nuage de latérite rouge obscurcit la piste et m’oblige à m’arrêter.

Des pygmées surgissent alors et exhibent une immense peau de gorille qu’ils veulent troquer contre du sel. Dans un élan de générosité, je leur fais don d’un reliquat de Cérébos acquis au Carrefour de Montesson au départ, signifiant que sacrifier ces superbes créatures était superflu.

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L’horizon s’étant éclairci, je reprends la piste qui, en fait, s’avère plus carrossable qu’une route goudronnée dégradée ailleurs en Afrique. Tout à coup, stop ! Devant un énorme arbre abattu bloquant le chemin, deux 4x4 et un minibus sont immobilisés.

Il s’agit d’une équipe scientifique roumaine explorant l’Afrique équatoriale. En effet, au début des années soixante-dix, le dictateur Ceaucescu dévoile sa mégalomanie. En l’occurrence, il est décidé à montrer au monde entier que la Roumanie est autosuffisante et performante dans tous les domaines et sur tous les continents. Son intention est « to make Romania great again ». C’est ainsi qu’il a réuni cette équipe parfaitement hiérarchisée : un professeur d’université spécialiste de biologie tropicale, un médecin, un dentiste, un ingénieur et un mécanicien, tous francophones, qui explorent cette terra incognita à bord de ces véhicules 100% made in Romania.

Ce ne sont pas des pygmées (qui n’ont pas accès au fer) mais une dizaine de bantous qui s’attaquent au tronc abattu à l’aide d’outils rudimentaires, au rythme de mélopées galvanisantes.

Le soir, le tronc est enfin débité. Nos bûcherons prennent leurs tambours parlants et avertissent en langage rythmé les tribus en aval : « L'ÉTRANGER QUI EST BLANC » = « mo-ME a moto » = « MI SOL MI MI MI ». « IL EST SUR SON CHEMIN » = « NOU ma-a sangue » = « SOL MI MI RE MI ». Ainsi, nous serons attendus, avec notre précieux sel, par la tribu suivante.

À la fin de ces messages télégraphiques, l’un des bûcherons, qui s’exprime dans un français syncopé, me demande de l’amener à Bondo, à environ 150 km. Je lui donne rendez-vous le lendemain matin.

C’est donc un convoi de quatre véhicules qui s’ébranle hardiment dans la sombre forêt vierge (la canopée des arbres gigantesques laisse filtrer très peu de lumière).

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Au bout d’une heure, premier arrêt : pneu roumain crevé.

-          Oui, nous sommes malheureusement habitués à ces crevaisons car nos autorités ont farouchement refusé que nous équipions nos véhicules de pneus étrangers !

Démontage, rustine, pompe manuelle. En moins d’une heure, l’affaire est réglée. Mais nos arrêts deviennent métronomiques : pratiquement chaque heure, nous avons droit à une pause-pneu.

Vers le milieu de la journée, je remarque que ma roue avant gauche chauffe dangereusement.

L’ingénieur et le mécanicien auscultent le train avant de mon combi. Leur verdict reflète leurs connaissances scientifiques, plutôt loufoques :

-          Rien d’inquiétant, ça va se résorber tout seul !

Derrière moi, j’entends :

-          SOL, MI, SOL, MI !

Mélodie accompagnée de paroles :

-          N’im-POR-te-QUOI ! C'EST LE tam-BOUR QUI EST fi-NI !

-          Vous vous y connaissez en mécanique ?

-          OUI (SOL). J'AI tra-vail-LÉ pour les MER-ce-NAIRES, AU mo-MENT de L'IN-DÉ-pen-DANCE !

-          Alors, que faut-il faire ?

-          IL FAUT LE chan-GER.

-          Au milieu de la forêt vierge ?

-          JE SAIS où en TROU-ver UN !

-          Ici, dans cette jungle ?

-          JE VAIS vous mon-TRER !

Il s'installe à côté de moi et me guide au travers de la forêt primaire. Mon vaillant combi, devenu tout-terrain, sert de bulldozer, abattant les arbres, enfonçant les termitières, cahotant sur les fondrières. Je suis forcé d'allumer les phares, tant est dense la cime des arbres, qui forme un plafond opaque une cinquantaine de mètres plus haut.

Soudain, dans une clairière, nous tombons nez à nez sur la carcasse d'un vieux combi Volkswagen, entièrement carbonisé et criblé de balles.

-          CE SONT DES re-BELLES QUI ONT es-sa-YÉ de s'en-FUIR. Les MER-ce NAIRES les ont MI-trail-LÉS à par-TIR d'un a-VION quand ils ONT DÉ-bou CHÉ sur CETTE clai-RIÈRE.


Increvable !


Utilisant habilement mes outils et en scandant une mélopée à cet effet, il démonte la précieuse pièce, toute rouillée mais intacte, … et transfère tout simplement le tambour tout pourri sur mon Combi.

-          VOI là, C’EST ré PAR ré ! ?

Des artistes, ces Roumains, avec leur diagnostic à la gomme…

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Nous continuons notre déambulation au rythme des crevaisons. Un coq malchanceux, euthanasié par notre médecin, permet un festin. Mais plus tard, pour aller récupérer un poisson sur les redoutables rapides du Congo, les Roumains préfèrent s’affairer autour de leurs pneus…

congo

Le poisson, au péril de ma vie

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Quelques jours plus tard, nous atteignons l’immense lac Albert.

Les Roumains se dévêtent et piquent une tête dans les eaux cristallines.

Je m’exclame :

-          Mais vous êtes fous ! Et la bilharziose ?

Il s'agit de LA maladie que tout voyageur redoute dans ces contrées. Sur la rive des eaux tranquilles, un petit escargot, le bullin, s'ébat et se développe. Il quitte ensuite l'herbe pour l'eau, où des larves le rejoignent et croissent sur lui. Ces larves se métamorphosent en sporocytes, puis en furcocercaires, et quittent ensuite leur monture, investissant l'eau. Les pores du baigneur imprudent sont alors traversés par ces minuscules larves qui se rendent vers le cœur, déclenchant une forte fièvre, puis intrépides, déménagent vers différents organes, en particulier le côlon, Elles prennent alors le statut de côlonialistes. Et elles se mettent à pondre des millions d'œufs qui obturent les vaisseaux sanguins, provoquant différents dysfonctionnements peu agréables (cécité, surdité…) ou, plus simplement, le décès.

bilharziose

Cycle infernal qui débute en bas à droite

-          Mais non, Jean-Pierre, il n'y a pas de bilharziose dans le lac Albert ! Et nous connaissons notre affaire : la biologie tropicale, c’est notre spécialité !      

    -          Mais quand même, la prudence voudrait… !

-          Allez, viens, nous connaissons notre métier !

Victime de ces propos artistiques, je plonge. Fatale erreur….

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Juin 1970

Six mois plus tard, après avoir traversé l’Inde, le Pakistan, l’Afghanistan, l’Iran et la Turquie, je parcours l’URSS pendant deux mois. Expérience assez angoissante, tant le système soviétique est oppressant. Mais voici atteinte la frontière roumaine, c'est à dire la frontière de la liberté. C’est après une journée entière de fouille de mon camping-car que les Soviets me laissent quitter leur territoire. Aussitôt la frontière traversée, je me prosterne et embrasse le sol du monde libre.

Enfin, c’est ce que je croyais…

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Routes dangereuses, surtout la nuit, car sillonnées de chariots non éclairés tirés par des chevaux étiques, ceux-là mêmes qui, quelques décennies plus tard, garniront nos plats de raviolis surgelés…

Mais chaque village est une fête musicale. D’admirables paysans musiciens animent les cafés avec leurs violons, accordéons, tárogatós (sorte de saxophones en bois), interprétant des morceaux endiablés et improvisés. Encouragés par les rythmes et le vin blanc local, les jeunes comme les vieux sont irrésistiblement entraînés dans la liesse et dans la danse. Je ne puis qu’envier ces élans musicaux spontanés, moi qui ai laborieusement appris des œuvres musicales créées par d’autres. Eux, ils sont d’authentiques musiciens ; moi, pauvre hère, je ne suis qu’un vecteur.

Finalement, je préfère sur la route ajuster la vitesse de mon combi à celle des chevaux, par prudence d’une part, mais surtout pour multiplier les arrêts dans les estaminets.

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Escale à Bucarest, dans le camping municipal, très agréable.

Jean-Pierre, allons manger quelques mititei (petits hors d’œuvres composés de diverses viandes grillées) au restaurant !

J’accepte volontiers cette proposition du professeur rencontré au Congo. Comme dans tous les restaurants situés de l’autre côté du rideau de fer, l’atmosphère y est infiniment joyeuse. En effet, les salaires sont si modestes qu’une sortie n’est envisageable qu’une ou deux fois par an (dans les années 70, les mafias n’ont pas encore investi ces pays). Donc une sortie dans un restaurant est un événement dont il ne faut pas manquer une seconde. Depuis cette époque, les cérémonials des restaurants gastronomiques français m’énervent : c’est cher et je ne m’amuse pas. Un restaurant, ce doit être festif.

-          Jean-Pierre, comment allez-vous depuis notre improbable rencontre sous les tropiques ?

-          Ça va, mais depuis, j’accuse une fièvre permanente de 38°.

-          Venez demain dans mon service de médecine tropicale, nous allons voir cela.

Auscultation, analyses diverses.

-          Rien d’inquiétant, ça va se résorber tout seul !

Ouais, tout comme ma roue avant au Congo…

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Le médecin de l’expédition insiste pour que ma compagne et moi quittions le camping. C’est un peu bizarre car la paranoïa du conducător déteint déjà sur tout le pays : tout contact avec un étranger est interdit. Mais apparemment, son statut d’explorateur le protège.

En réalité, il voulait acheter les bijoux de ma compagne en lei, monnaie de singe à l’époque, pour pouvoir les revendre et sortir du pays.

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Juin 1975

Cette satanée maladie, cadeau de mes amis roumains, ne va pas me lâcher pendant 7 ans. Un premier traitement échoue aux États-Unis. Le spécialiste, qui était le médecin de Nixon, m'y évoque cette terrible alternative : « Certes, nous disposons d'un médicament efficace. Mais 2% des patients meurent par intolérance au produit. Dans certaines régions, le jeu vaut la chandelle. Avec vous pourtant, nous ne saurions prendre ce risque, my dear... »

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Années 1980

Bien des années plus tard, je serai invité régulièrement en Roumanie pour des tournées, qui, musicalement, sont passionnantes.


Jean Pierrre Jumez

Public musicien : quelle exaltation !

Je m’entends particulièrement bien avec l’Orchestre symphonique de Bucarest : C’est en général le célèbre Concierto de Aranjuez qui est au programme.

Œuvre magnifique lorsqu’elle est enregistrée, car les ingénieurs du son équilibrent l’intensité des instruments, mais redoutable en public : comment éviter que ma petite guitare au son ténu ne disparaisse face à un orchestre de dizaines de musiciens. La plupart des chefs d’orchestre diminuent le pupitre des violons (six au lieu de douze), ce qui certes rééquilibre un peu les forces, mais donne à l’orchestre une couleur étriquée. Ici à Bucarest, c’est l’orchestre au grand complet, mais tellement maîtrisé que ce n’est plus un concerto pour guitare et orchestre, mais un véritable duo ! Admirable !

Évidemment, au cours de mes tournées, j’assiste à la dégradation du pays.

Lors de mon ultime concert début 1989, Bucarest est devenue une ville fantôme. Les trottoirs enneigés ne sont plus dégagés, les étals sont vides, l’électricité est rationnée, donc plus d’éclairage public, les tramways circulent sans feux, etc. La ville est sinistrée et sinistre.

Je suis logé à l’hôtel Sheraton. Une seule ampoule blafarde éclaire mon immense suite (c'est la règle, une ampoule de 40 watts par logement). C’est là que je dois enfiler mon frac pour le concert.

On vient me chercher en camion. Au théâtre, j’ai droit à une loge plongée dans l’obscurité. Puis c’est mon tour. La scène, elle, est inondée de lumière. Je cligne des yeux en m’avançant précautionneusement vers le devant de la scène. Je baisse les yeux pour m’installer sur le tabouret. Surprise : j’ai enfilé une chaussure noire à droite et une chaussure bleue à gauche…

concerto

Le grand châtain avec une chaussure bleue

À la fin du concert, un jeune garçon parvient à atteindre ma loge. Il est guitariste et m’implore de lui obtenir une bourse d’études en France. Manifestement, il sait que je fais venir des jeunes guitaristes du monde entier. Je lui prête ma guitare. En quelques notes, je constate qu’il n’a pas la fibre. Comprenant ma réaction, il se met à genoux et m’implore. « La vie est impossible pour un jeune ici ; je vous en prie, sauvez-moi ! ».

C’est évidemment poignant, mais la politique ne saurait s’immiscer dans la musique.

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C’est précisément à cette époque que démarrent mes émissions sur Radio France Internationale : « Cultures & Conflits » : illustrer en 15 minutes et en direct la culture des différents belligérants du monde.

J’interroge mon directeur d’antenne, Jean-Pierre Charbonnier :

-          Je souhaite consacrer une émission entière à la Roumanie, car je ne peux pas passer sous silence ce qu’il s’y passe actuellement.

-          La Roumanie, on n’y touche pas car nous sommes très écoutés là-bas : tout le monde parle français.

-          Accorde-moi cinq minutes que je te raconte ce qui s’y passe.

Ébranlé, il m’assure qu’il va en parler en haut lieu (RFI est alors rattachée aux Affaires étrangères).

Quelques jours plus tard, il me rappelle :

-          Le Ministère confirme tes dires et souhaite dorénavant sortir de son mutisme. Tu as leur feu vert !

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Octobre 1989

L’émission, d’un point de vue technique, est aisée : sur fond de flûte de pan, je raconte. Pêle-mêle :

« Mes chers auditeurs, le parcours du conducător dont je vais évoquer quelques aspects n’aura plus, j’espère, d’équivalent dans le futur.

Le jeune Ceaucescu arrive au pouvoir et suscite l’enthousiasme de son peuple. Il est jeune, brillant orateur, et annonce une Roumanie « über alles ». Il réussit deux coups magistraux : sortir de la sphère soviétique sans être envahi et recevoir Nixon en 1969, lequel met en place le statut de « la nation la plus favorisée » à la Roumanie.

Fort de ces succès, il s’arroge alors le statut de messie et prend en charge tous les ministères. Il gouverne désormais seul et décide de tout : l’économie, l’éducation, l’urbanisme, la culture, la santé ; bref, tout.

Qui imagine un tel dirigeant aujourd’hui ?

Les résultats ne se font pas attendre :

·         La moitié du peuple espionne l’autre moitié, et paranoïa totale vis-à-vis des étrangers. Les dénonciations intrafamiliales sont légion.

·         Il faut repeupler la glorieuse nation : avortements totalement interdits, mise en place d’une police menstruelle, tout dispositif contraceptif interdit… sauf pour les Roms (qui en abondent un marché noir)* ; au-delà de 10 enfants, une mère prend le statut d’ « héroïne du peuple ». 300.000 enfants non désirés viennent ainsi peupler les sinistres orphelinats. Et sur la fin de règne, l’accès aux hôpitaux est tout simplement interdit aux plus de 60 ans…

·         Il faut éduquer ces nouvelles forces. Incontestablement, cette politique a donné des résultats et les Roumains non gitans sont très éduqués (pratiquement tous les Roumains de cette génération parlent très bien français).

·         Et, petit à petit, du fait de la politique d’autarcie totale, apparaissent des pénuries que l’on n’imagine même pas. Dans les villages, il n’y a plus d’électricité. Les privilégiés qui ont un tracteur en démontent la batterie pour éclairer une ampoule dans le logis afin que les enfants puissent faire leurs devoirs. Il n’y a plus rien à manger. Seules les pattes et têtes de poulets sont autorisées à la vente (tous les poulets sont exportés). Les ampoules de plus de 40 watts sont interdites. Dans certaines villes, l’électricité ne fonctionne que deux heures par jour. D’ailleurs, la télévision n’est active que deux heures par jour. Le gaz ne parvient dans les foyers que de 5h à 7h du matin. Il est interdit d’acheter du pain, sauf dans une boulangerie désignée. Dès qu’un étal se remplit, une queue immense se forme immédiatement, quel que soit le produit : l’achat servira d’échange. Et j’en passe…

·         Ceaucescu fait raser le tiers de Bucarest, y compris ses églises multicentenaires, et fait construire un gigantesque palais (deuxième bâtiment le plus grand au monde après le Pentagone). »

palais Bucarest

Six fois plus grand que Versailles

Fin de l’émission sur une lamentation déchirante de flûte de pan

Et deux mois plus tard, le régime chutait.

*Les financements européens pour l’inclusion des Roms se sont montés à 3 milliards d’euros en 2012. De toute évidence, ces fonds ont trouvé d’autres utilités car les Roms ont continué d’affluer vers l’ouest…

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Février 2012

-          Allô Jean-Pierre ? Ici Cloudia, je t’appelle de Bucarest !

-          Magnifique !

Cloudia Rebar est une célèbre décoratrice de plateau de cinéma, spécialisée dans les superproductions à Hollywood (« Intelligence », « Awake », « 24 heures Chrono »…). Nous nous connaissons depuis qu’elle a dessiné mon costume de scène,
lorsque nous étions en résidence à Rome.

portrait jumez

Une créatrice tout-terrain

-          Non, pas magnifique du tout ! Notre production s’est laissé entourlouper par les sirènes des Roumains et, pour la première fois, nous avons délocalisé notre équipe au complet. Désastre total ! Promesses non tenues, corruption, mafia, incidents techniques de toutes sortes. Un vrai cauchemar !

-          Mais enfin, Cloudia, il fallait délocaliser en France !

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Janvier 2019

-          Maestro Jumez ? Ici le conseiller culturel de l’ambassade de Roumanie. Nous présentons une confrontation de nos meilleurs joueurs de cymbalum dans notre ambassade. Seriez-vous intéressé ?

Tu parles ! Le théâtre de l’ambassade de Roumanie qu’on nomme « le théâtre byzantin » est tout simplement le plus beau théâtre de Paris, et avoir la chance d’y être convié est un événement très rare.

ambassade roumanie

Un endroit magique

Issus essentiellement de la région de Tirgu Mures (la partie hongroise de la Roumanie), ces éblouissants virtuoses abattent leurs marteaux sur les cordes à une vitesse irréelle, improvisant des mélodies improbables et déchaînant l’enthousiasme des privilégiés que nous sommes.

cymbalum

Avec le cymbalum, la minorité hongroise déborde sur l’ensemble de la Roumanie

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Bucarest, 22 mars 2024

Des artistes, je vous dis. Vraiment des artistes ! Les taxis de Bucarest s’arrangent pour vous terrifier par une conduite effrénée. Vous essayez de vous raccrocher à toute protubérance pour éviter de passer par le pare-brise au prochain freinage souligné par un crissement suraigu et une nuée de particules affolées. Ainsi, lorsque vous êtes totalement tétanisé et recroquevillé, hébété, hagard, sur votre siège, le gredin s’arrange pour vous déposer dans un coin isolé près de votre destination, et là , il vous assène le coup de grâce : le scélérat ne vous vole pas, il vous dépèce de toutes vos économies avec un tel aplomb qu’on se console en constatant qu’on est encore vie. Toute forme de jugement étant anesthésiée, on se résout à payer. Cela s’appelle du vol par surprise.

Bon, il n’y a pas que cela, dans le Bucarest contemporain.

D’abord, le concert pour lequel je suis en réalité venu.

botgros

Nicolas Botgros conduit son orchestre à la baguette

Cet orchestre traditionnel est tout simplement incroyable : il parvient à associer rock, pop, rap et danse sans jamais sacrifier la noblesse de sa musique. Le public (à peu près 3000 spectateurs) se déchaîne, hurle, danse, chante. Spectacle inoubliable, que même les taxis n’ont pas réussi à me gâcher…

Tapez Botgros sur YouTube, vous verrez…

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23 mars 2024

Ceaucescu a vraiment atteint son but : il ne reste presque plus rien de la vieille ville.

vieux bucarest

Avant…

nouveau bucarest

…maintenant !


 

Restent néanmoins de magnifiques palais art nouveau, situés hors du centre :

art nouveau

Ah, quand tout Bucarest ressemblait à cela…

On comprend pourquoi, avant l’ère du conducător, Bucarest se nommait « le petit Paris ».

Le Petit Paris est d’ailleurs un musée qui rassemble différents colifichets et bibelots rappelant la Belle époque.

petit paris

Paris dans l’imaginaire roumain

D’autres magnifiques palais restent dans leur jus :

Jean-Pierre_Jumez escalier bucarest

Authenticité garantie (je parle des escaliers)

Déambuler dans les quelques rues rescapées de la folie destructrice de Ceaucescu confirme le caractère authentiquement artistique de ce peuple. Des dizaines de galeries, tenues par des jeunes, exposent des créations originales tous azimuts : peinture, bien sûr, mais aussi sculpture, verrerie, horlogerie, joaillerie, arts de la table, photographie, gravure, calligraphie, parfumerie ainsi que de très nombreuses librairies…

galeries bucarest

Galeries à gogo

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La soirée est dédiée à l’opéra où se joue « Élixir d’Amour » de Donizetti. Un théâtre aux dimensions modestes procure une agréable atmosphère familiale. On se sent un peu comme à Glyndebourne qui, malgré une capacité supérieure, parvient à conserver ce je-ne-sais-quoi d’ambiance intime.

elixir d'amour

Pas vraiment du GHB

Excellent orchestre, bien sûr, et chanteurs hors pair. Toutefois, le physique plutôt radiophonique de la cantatrice ne sied pas tout à fait à son rôle de prima donna.

Accessoirement, c’est l’occasion de rappeler que cet élixir n’est autre qu’une vulgaire bouteille de bordeaux, qu’un charlatan (le Docteur Dulcamara) fourgue à un paysan naïf, lui faisant croire qu’avec cette potion, il séduira enfin l’objet de son désir (Adina).

Alors lui, c’est sûr, il aurait fait un excellent chauffeur de taxi…


Jean-Pierre_Jumez


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6 décembre 2024

L'annulation sans précédent du deuxième tour des présidentielles -- sous le prétexte d'informations tendancieuses diffusées par TikTok -- écarte de factole candidat arrivé en tête, celui qui, comme par hasard, était favorable à la Russie. Cette invalidation sous un tel prétexte va mettre en péril toute élection dont le résultat serait non conforme. Rappelons nous le désastre qui a suivi l'élection législative de 1991 annulée en Algérie (les élus islamistes étaient défavorables à la France). Les massacres subséquents ("les années noires") devraient pourtant inciter à la réflexion.

Autrement dit, c'est la fin du "pouvoir du peuple" ! Damnatio memoriæ [Proscrire la mémoire]

Jean-Pierre_Jumez
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Jean-Pierre  Jumez