ANAMNÈSE #26 – L'ALCOOL GUÉRIT

Récit inspiré de faits réels et de cénosillicaphobie

 

TEMPS DE DÉGUSTATION : comptez 5 minutes

Jean-Pierre_Jumez

 

Jean-Pierre_Jumez

Jean-Pierre_Jumez







Le 28 juin 2024, une clinique à Paris :

- Une petite semaine, et vous serez sur pied !

Il faut dire que depuis deux mois, même sans faire le moindre effort, même sans qu’une rencontre inespérée ne me provoque la moindre tension, je suis essoufflé. Mais vraiment essoufflé : le moindre geste engendre une dyspnée ; je suis forcé de reprendre mon souffle à chaque effort.

Donc, ces équipes de magiciens vont farfouiller dans mon corazón pour y remettre de l’ordre, via des caméras se faufilant dans mes conduites. Hier des miracles. Aujourd’hui de la routine cardiologique.

Donc c’est de bonne grâce que je m’installe dans cette très belle chambre.

18:00 : dîner

- Ma foi, ce plateau repas est appétissant. Mais je n’y vois aucune boisson !

- Mais si, Monsieur : regardez : vous avez une carafe d’eau !

- Je vois bien ; mais pour boire ?

De l‘eau ? Moi, je ne suis pas eauphile, et encore moins potomane.

- Vous n’avez vraiment rien d’autre ?

- Monsieur, l’eau, c’est ce qu’il y a de meilleur pour la santé !

Une manière de voir les choses…

Une autre manière de voir les choses…

Mais, Dieu merci, j’avais encore des amis. Le lendemain, le petit frigo sanitaire de ma chambre est garni de bières et de rosé.

Le lendemain à 11:00, visite des infirmières

- C’EST QUOI, ÇA, MONSIEUR ?

- Ben… c’est de la bière…

- Sans alcool, j’espère ?

- M’enfin, qu’allez-vous imaginer ?

Mon aplomb m’étonne encore. Mais cette friponne, après examen approfondi de l’étiquette, explose :

- Vous mentez, Monsieur, cette bière est alcoolisée !

Et elle ameute tout l’étage, déclenchant un beau tohu-bohu.

Ainsi, une jeune Maghrébine trépigne::

- Où ça, où ça ? Vite, montrez-moi : je n’ai jamais vu de bière de ma vie !

Puis c’est un festival de reproches :

- Mais enfin, Monsieur, c’est mauvais pour la santé, la bière, ça contient de l’alcool !

- Oui, et votre eau, elle contient de l’hydrogène : vous voulez m’empoisonner !

Et la litanie continue :

- Votre fils a encore besoin de vous, Monsieur !

- 41.000 morts par an imputables à l’alcool. Cela ne vous suffit pas ?

- La cirrhose entraîne des souffrances épouvantables.

Je me défends pied à pied.

- Au Japon aujourd'hui, les autorités cherchent désespérément à augmenter la consommation d’alcool (NY Times)

 

Puis j'appelle Desproges à la rescousse:

 

- D’ailleurs, je n’ai jamais abusé de l’alcool, il a toujours été consentant.

 

Puis, plus scientifiquement :

 

- Le Congrès des pharmaciens à Bordeaux en 2019 a conclu que le vin était un véritable médicament.

 

Etc., etc.

Bref, je reprends l’inventaire imaginé par Francis Blanche (cliquez, vous n’allez pas le regretter).


Mais là, je suis encerclé par les forces hostiles. Il va falloir jouer à cache-cache entre chaque ravitaillement (bière planquée dans mon étui de guitare, rosé dissimulé sous mon chapeau…).

Le moral, ça compte !

Et puis, bing ! On me découvre un Covid. Je ne suis pas étonné outre mesure, puisque de l’avais très vite contracté et que donc j’en étais totalement immunisé. Mais le « vaccin » imposé subséquemment allait immanquablement me le réinoculer.

Anticorps à revendre, sauf que...

- Désolés, avec ce Covid, nous sommes forcés de différer vos interventions ; nous vous gardons, évidemment, pour surveiller votre état…

De report en report, c’est donc pendant presque un mois que j’ai certes été bichonné, dans une chambre magnifique, avec un innombrable personnel dévoué, mais avec des carafes d’eau en veux-tu en voilà…

Et malheureusement, du fait de la saison estivale et les blocages Paris 2024, rares sont ceux qui ont pu venir me ravitailler. Panne sèche.

Résultat : en plus des trifouillages de mon cœur, on a dû me réhydrater d’urgence par perfusion…


Le 3 août 2024 :

Sortie tant attendue de l’hôpital. Petit commentaire de l'infirmière :

- Au revoir, Monsieur le guitariste. Nous avons eu un réel plaisir à vous écouter, et… à comptabiliser vos bouteilles, au fur et à (dé)mesure…

Rien ne leur échappe…


Un petit pour la route

Certes, je ne suis plus essoufflé, mais je me dodeline comme un vieux. C'est parfaitement incongru...

Symétriquement, j’ai la force de me réhydrater... naturellement : les brasseries du 14e arrondissement se refont une santé grâce  à mon assiduité.

Malgré tout, hydraté ou pas, je traine la patte. Ma déambulation est pathétique.

C’est ça, la guérison ?

Mise au courant, la cardiologue qui me suit me préconise des séances de vélo de rééducation, sous contrôle médical. Ma réponse sans appel :

- Niet ! Jamais vous ne me ferez monter sur vos satanées machines !

- Je respecte votre décision, mais surtout, faites de l’exercice chaque jour, s’il vous plaît !

 

Les jours passent, mais pas ma démarche de patriarche. Ça devient pénible. Après tout, peut-être que je devrais les essayer, ces vélos diaboliques ?

Puis c’est l’anniversaire du fiston. Clopin-clopant, je le suis dans les différents bars de Montparnasse, puis à La Coupole (un plateau de fruits de mer économise un aller-retour Trouville).

Faire des économies

 

Au sortir du célèbre bar américain :

- Papa, pour mon anniversaire, le champagne s’impose

Happy birthday !


Il m’entraîne jusque Monoprix, dont nous extrayons un Canard Duchêne.

Lequel alimente notre conversation jusqu’à 1h du matin.

- Et ce vieux rhum ambré de la Marie-Galante que nous avons acquis à la Foire de Paris, on va le snober longtemps ?

Le trésor de Marie-Galante

Certainement pas ! Et cette dégustation restera dans nos mémoires au moins jusqu'au prochain anniversaire.

Mais à 2h du matin, je lance un cri:

- J’ai soif !

- Pas de problème, Papa, le Falstaff reste ouvert jusqu'à 5h du matin.

Le Falstaff, c'était la brasserie favorite de Hemingway, miraculeusement située à 300 mètres. On y trouve des centaines de bières internationales.

Hop, je me rhabille hâtivement et nous voici sur le chemin du Falstaff. Et là, que croyez-vous qu’il arrivât ? 

- Papa, ralentis, tu marches trop vite !

Et c’est vrai que je trottine comme une gazelle !

Retour vers 3h du matin : même pas alerte et allègre. Après tous ces canons, un miracle. De quoi me... canoniser !


Et les jours suivants : tout baigne, si bien que je vais – de ce pas – m’inscrire à un cours de salsa…

 

Jean-Pierre_Jumez

Jean-Pierre_Jumez

 Jean-Pierre  Jumez